Goma Chronicles

À la Une: l’activiste béninois Kemi Seba en garde à vue à Paris

L’activiste béninois a été interpellé lundi à Paris par des agents de la Direction générale de la sécurité intérieure. Selon son avocat Juan Branco, Kemi Seba a été depuis placé en garde à vue pour « intelligence avec une puissance étrangère » – sans plus de précisions – et « atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation ». Il risquerait jusqu’à 30 ans de prison. Le Monde Afrique précise : « Contempteur virulent de la politique française en Afrique, très présent sur les réseaux sociaux, où il dispose d’une audience importante en Afrique et dans les diasporas issues du continent, Kemi Seba serait, d’après son avocat, retenu par la DGSI en représailles de son engagement contre le néocolonialisme et contre les abus que les régimes françafricains ont produits, notamment en Afrique de l’Ouest. » Déchu de sa nationalité française En effet, rappelle le site Afrik.com, Kemi Seba est l’une des voix les plus opposées à la politique française en Afrique. Cette position constante lui a valu la déchéance de sa nationalité française, en juillet dernier. Les autorités françaises lui reprochant de porter « atteinte aux intérêts » de leur pays. Tout juste quelques semaines après, Kemi Seba s’était vu dresser un tapis rouge au Niger d’Abdourahamane Tiani. Le général-président lui avait délivré un passeport diplomatique assorti de la mention « conseiller spécial » du président du CNSP. Avec ce document, l’activiste panafricaniste pouvait continuer à voyager à travers le monde. » Financé par la Russie On revient au Monde Afrique qui s’interroge : « Que faisait Kemi Seba en France ? » Arrivé d’Espagne, l’activiste devait rencontrer des opposants au Président béninois Patrice Talon, croit savoir le journal. En mai dernier, Kemi Seba, ancien chef de la Tribu Ka – groupuscule ouvertement antisémite et ségrégationniste dissous par les autorités françaises en 2006 – avait accusé Paris de chercher à déstabiliser le Niger depuis le Bénin. (…) Le Béninois est aussi une des cartes du jeu d’influence que mène la Russie sur le continent africain, souligne encore Le Monde Afrique. Certaines de ses opérations ont été financées à hauteur de plusieurs centaines de milliers d’euros par le groupe russe Wagner, selon des révélations de Jeune Afrique, de la chaîne Arte et du quotidien allemand Die Welt. Parmi ses objectifs : organiser des manifestations antifrançaises et anti-occidentales, et identifier ou soutenir les associations et personnalités locales prêtes à relayer la propagande russe dans leur pays au moment le plus opportun. » Un héros à peu de frais ? « Mais qu’est allé chercher Kemi Seba en France ? », s’exclame en écho Le Pays à Ouagadougou. « Que lui reproche-t-on ? » Y a-t-il un lien de cause à effet entre son interpellation et les derniers soubresauts sociopolitiques au Bénin, notamment l’affaire de tentative avortée de coup de force dans laquelle son nom est cité ? On a de bonnes raisons de le penser, surtout que certaines sources affirment qu’il séjournait en France dans le but de rencontrer des opposants au régime de Patrice Talon. Tant qu’à faire, s’interroge encore le pays : pourquoi n’a-t-il pas donné rendez-vous à ses compères à Moscou, dont il est devenu l’allié depuis quelque temps ? Ou bien pensait-il que le passeport diplomatique nigérien, dont il dispose, pouvait lui permettre de narguer la France au point d’y mener des activités « subversives ? » Pour le quotidien Aujourd’hui, « en arrêtant cet ex-Français anti-français, la France fait un héros à peu de frais. » Pain bénit pour celui qui aime endosser la tunique de martyr, cette arrestation mousse davantage l’égo et les vœux de Kemi Seba. (…) Ce coup de pub donc est un cadeau pour le proscrit qui ne manquera pas de l’exploiter à fond. » Au Niger, la « défrancisation » des noms de rues et de bâtiments Pas ou peu de commentaires dans la presse nigérienne sur l’arrestation de Kemi Seba. Les médias nigérians font leur une sur le changement de nom de certaines rues et monuments de la capitale. « Le Niger tourne le dos à la France en purgeant la capitale des noms évoquant la France », s’exclame L’Évènement Niger. « Les héros africains remplacent les colons », lance pour sa part TamTam Info. « Finis les noms Monteuil, De Gaulle et autres tartempions français de triste mémoire, commente le site nigérien, et place à Djibo Bakary, Thomas Sankara, etc. (…) Le Niger revalorise ainsi ses valeurs ancestrales et africaines. »