Par: DESMOND BAZIKANGE

La question du pouvoir et de la moralité au sein des structures sociales est une problématique ancienne qui traverse les âges et les civilisations. La confiance que la société place dans l’être humain en tant qu’individu rationnel et capable de distinguer le bien du mal est-elle une illusion dangereuse ? Faut-il réformer les bases mêmes de la société et abandonner des principes tels que la démocratie ? Cet article propose une analyse approfondie de ces questions en confrontant différentes perspectives philosophiques et en développant une vision alternative du pouvoir.
La naïveté de la confiance sociétale
La société moderne repose sur l’idée que l’individu est doté d’un bon sens suffisant pour discerner la morale et prendre des décisions éclairées. Cette confiance généralisée façonne les lois, les règles et les interactions humaines, instaurant un équilibre perçu comme nécessaire au bon fonctionnement collectif. Cependant, cette croyance peut s’avérer être une naïveté dangereuse.
En effet, lorsqu’un individu est confronté à des situations extrêmes – la survie, la souffrance, l’oppression – son comportement échappe aux cadres moraux habituels. Dans ces moments critiques, la société, ayant érigé des principes de confiance et de stabilité comme piliers fondamentaux, se retrouve alors démunie et incapable de réagir intelligemment. L’idée selon laquelle les humains sont des êtres fondamentalement rationnels et moralement fiables est un conditionnement qui, lorsqu’il est mis à l’épreuve par des crises majeures, révèle ses failles.
Des philosophes tels que Thomas Hobbes et Friedrich Nietzsche ont mis en avant le caractère illusoire de la moralité collective. Hobbes considérait que l’homme, livré à lui-même, est guidé par ses instincts égoïstes et ne peut être contenu que par une autorité forte. Nietzsche, quant à lui, voyait la morale comme un outil utilisé pour contrôler et soumettre, plutôt qu’un principe universellement valable.
La nécessité de réformer les fondements de la société
Si les structures actuelles sont construites sur une illusion, comment les remplacer ? L’idée de démocratie elle-même, selon laquelle la majorité devrait décider du destin collectif, est sujette à critique. L’un des problèmes majeurs de ce système est qu’il repose sur le choix de la masse, souvent influençable et peu informée. Permettre à une majorité potentiellement ignorante de choisir le futur d’une civilisation est, en soi, une faille structurelle.
Une alternative proposée serait de remettre le pouvoir entre les mains d’individus plus avisés : les sages. Contrairement aux politiciens classiques, ces sages ne seraient pas élus, mais s’imposeraient naturellement par leur savoir et leur capacité à comprendre les enjeux fondamentaux de l’humanité.
« La philosophie, en tant qu’exploration de l’esprit humain, révèle que la véritable sagesse ne se réclame pas, elle s’impose d’elle-même. Celui qui la possède n’a nul besoin d’une élection ou d’un titre, car son éclat transcende les artifices du pouvoir. Le sage authentique, détaché des contingences matérielles et des ambitions éphémères, est guidé par une vision qui dépasse les intérêts immédiats. Il sait que la corruption n’est pas seulement une chute morale, mais l’anéantissement même de la raison qui l’habite. »
Ce modèle ne reposerait pas sur une unique figure d’autorité, mais sur un conseil de sages, où les débats philosophiques et la confrontation des idées permettraient d’arriver aux décisions les plus justes. La véritable avancée intellectuelle se produit lorsque des perspectives opposées se rencontrent et s’affrontent dans une quête de vérité.
L’une des principales critiques à l’égard de ce système est la possibilité d’infiltration par des individus cherchant à détourner le pouvoir à leur avantage. Cependant, cette préoccupation ne repose que sur une perception actuelle du pouvoir comme un outil de domination, et non comme une responsabilité guidée par la raison pure.
Le monde, livré à l’éphémère et à l’avidité, semble condamné à l’échec dans tout ce qui relève des affaires terrestres. Si même le sage venait à céder à la corruption, cela ne signifierait pas seulement la faillite d’un individu, mais celle de l’idée même de gouvernement. Dès lors, il ne subsisterait qu’un chaos régi par la loi implacable du plus fort, où la force primerait sur la raison et l’instinct sur la sagesse.
Dans cette optique, seul celui qui est réellement guidé par la sagesse et la raison pure pourra s’élever naturellement au-dessus des autres. Il ne s’agit donc pas de mettre en place un processus d’élection ou de désignation, mais plutôt de laisser émerger, de manière organique, ceux dont la vision transcende les intérêts personnels et les manipulations politiques.
Vers un nouveau modèle de société
Ainsi, cette approche propose de dépasser les illusions de la démocratie et des structures sociales conventionnelles pour tendre vers un système où le pouvoir ne repose plus sur la majorité, mais sur la clairvoyance et la connaissance. Cette transformation impliquerait un bouleversement profond des valeurs actuelles, amenant l’humanité à reconnaître que la véritable autorité ne réside ni dans la force brute ni dans le nombre, mais dans la capacité à comprendre la nature humaine et les lois fondamentales qui régissent notre existence.
La société actuelle est encore prisonnière d’un modèle qui protège une illusion collective. Mais en laissant émerger ceux qui possèdent une compréhension véritable, en leur permettant de guider les autres, peut-être pourrions-nous nous affranchir des erreurs du passé et bâtir un monde fondé sur une sagesse authentique.