Dans l’est de la République démocratique du Congo, les femmes déplacées fuyant la guerre sont souvent victimes de violences sexuelles dans les camps autour de Goma. Selon Ocha, le nombre des cas de violences sexuelles dans l’est de la RDC ont explosé. Les organisations locales de défense des droits de la femme plaident pour que les auteurs soient punis.
Au cours des trois premiers trimestres de 2024, le Nord-Kivu enregistre 68% des 52 700 cas répertoriés. Au camp de déplacés de Rusayo à l’ouest de la ville qui abrite plus de 150 000 déplacés, ces femmes vivent dans le désespoir. Elles sont livrées à elles-mêmes. Les déplacés vivent dans des tentes en lambeaux, souligne notre correspondant à Goma, Héritier Baraka. Ici, nombreuses sont les femmes agressées dans les champs avoisinants, les parcs ou même dans l’enceinte du camp.
Habillée de noire et les pieds dans la boue, Rebecca, une jeune femme de 30 ans, a été violée par un homme armé : « Quand nous allons chercher le bois de chauffage, chacune prend son chemin. Là, je suis passée, j’ai eu problème, j’ai rencontré un militaire que je ne connaissais pas. Il m’a demandé de choisir entre me tuer et me violer. En voulant m’échapper, il m’a blessé avec un couteau à la main. »
Mwiza a été violée alors qu’elle allait chercher le bois de chauffage. Par peur des représailles, elle hésite toujours à dénoncer son bourreau. « Quand je suis revenue, je ne savais pas quoi faire. J’attends que l’on m’aide avec des médicaments, que l’on me conseille, car il m’a peut-être transmis des maladies ou je suis peut-être enceinte. »
Pour Maitre Liliane Moseka, membre de la dynamique des femmes juristes, une organisation qui soutient les victimes, il faut en finit avec l’impunité : « On a des femmes qui sont violées et violentées plus d’une fois, parfois en moins d’une semaine. Il y a plusieurs acteurs qui sont cités comme des éléments en uniforme. Et ces cas restent impunis. »
Entre janvier et mai 2024, Médecins sans frontières affirme avoir pris en charge plus de 17 000 victimes de violences sexuelles dans la province du Nord-Kivu.
La lutte contre l’exploitation des femmes et pour une « masculinité positive »
En dehors des camps, d’autres formes de violences s’exercent comme les violences conjugales ou même les violences socioéconomiques, explique notre correspondante à Goma, Denise Maheho. Depuis deux ans, l’ONG locale Compassion pour les déshérités (Codesh) sensibilise les hommes de Goma sur ce qu’elle appelle « la masculinité positive ». Et pour y arriver, l’ONG leur distribue une brochure illustrée intitulée Cahier de l’homme engagé.
À Goma, une ONG sensibilise les hommes sur la masculinité positive
Sur la couverture de la brochure, on voit une femme qui porte une pancarte : « non à la violence basée sur le genre ». Le document contient de courts messages qui incitent les hommes à s’engager dans ce combat comme des alliés. Espoir Kitumaini, chargé des programmes de l’ONG Codesh saisit chaque visite pour sensibiliser les hommes au changement : « Quand vous passez dans des cabarets, vous y trouverez des hommes enivrés qui vont rentrer à la maison sans rien apporter et qui vont se livrer aux injures et même aux coups pour chercher à ravir à leurs femmes le peu d’argent qu’elles ont gagné. »
Au-delà des conflits armés, l’exploitation de la femme est une forme de violence très répandue à Goma déplore Joseph, la quarantaine. Il vient de recevoir Le cahier de l’homme engagé : « Si tu fréquentes les marchés, c’est plein des femmes vendeuses. Or, la femme menait cette activité pour appuyer l’homme. Mais aujourd’hui, l’homme se désengage »
Cette campagne sur la masculinité positive porte parfois ses fruits : au sein des certains ménages, les femmes ont pu trouver une place plus équitable. Autre avancée notable, selon la Codesh : la femme n’est plus écartée des héritages alors que ce n’était pas le cas il y a quelques décennies.