Palestine : L’impasse

Appuyé sur les cinq volumes qu’il a consacrés à La Question de Palestine (Fayard, 1999-2015), Henry Laurens brosse un tableau précis de deux siècles d’histoire du sionisme en Palestine, depuis les timides initiatives proto-sionistes chrétiennes jusqu’aux années 2000, qui voient Israël dominé par l’extrême droite radicale. La sécheresse d’un récit chronologique met en relief quelques éléments stables jusqu’au drame qui se joue à Gaza sous nos yeux.

L’auteur manie une masse d’informations replacées soigneusement dans leur contexte, expliquant les choix et décisions des protagonistes par les éléments parfois extérieurs à la question de Palestine, comme les rivalités interarabes ou la guerre froide. Rien ne lui échappe : le rôle précurseur des évangéliques anglo-saxons dans la naissance du sionisme, les hésitations et les oppositions parfois vives qu’il suscite au sein des communautés juives européennes, la lente montée en puissance du peuplement juif en Palestine à partir des années 1880, le rôle crucial de la Shoah.

Le texte se fait plus dense avec la fin chaotique du mandat britannique et la proclamation de l’État d’Israël. Les déchirements arabes, les rivalités (y compris au sein de la population arabe de Palestine) sont parfaitement mis en lumière, tout comme la violence extrême des groupes terroristes juifs puis de l’armée israélienne, les exécutions de prisonniers, les massacres, les villages rasés dès la guerre de 1947-1949, avec l’objectif d’effrayer pour faire fuir. Pour comprendre le niveau de haine où en sont arrivés les extrémistes des deux peuples, au pouvoir depuis un quart de siècle, il faut lire cette synthèse terrifiante. Tous les acteurs semblent plus préoccupés de refuser un accord pour ne pas paraître traîtres (du côté arabe) ou faibles (du côté israélien) qu’à chercher comment sortir de cette impasse tragique. Une lecture indispensable pour sortir du manichéisme ambiant.