Goma Chronicles

L’Allemagne fait partie des États dont le soutien à Israël est le plus résolu, et ce, pour des raisons historiques. Les critiques contre le gouvernement israélien ou le soutien en faveur des Palestiniens constituent-ils automatiquement une remise en cause de ce que la chancelière Merkel a défini comme une « raison d’État » en faveur de l’État hébreu, voire une forme d’antisémitisme ? Ces débats récurrents ont rebondi depuis un an en Allemagne et n’épargnent pas le monde culturel. 

La Shoah, l’élimination systématique des juifs d’Europe par le régime nazi qui a fait six millions de morts, a conduit après la guerre à la fondation d’Israël. La responsabilité particulière de l’Allemagne devant l’histoire constitue un des fondements de la politique de Berlin depuis des décennies. Elle implique le soutien et la protection de la communauté juive en Allemagne, mais aussi une solidarité depuis des décennies avec Israël.

Le 10 octobre au Bundestag, Olaf Scholz a déclaré que Berlin continuerait à livrer des armes à État hébreu après une quasi-interruption ces derniers mois. Le Bundestag avait adopté une résolution en 2019 qualifiant le mouvement BDS (Boycott, désinvestissement et sanctions) qui veut mettre fin à l’occupation des territoires palestiniens par Israël d’antisémite.

L’Allemagne reprend donc à son compte la définition de l’antisémitisme de l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste (IHRA) qui tend à assimiler une critique contre Israël à de l’antisémitisme. 

Les retombées de la situation au Proche-Orient en Allemagne depuis un an

En Allemagne, des expositions ont été annulées, comme celle d’une artiste sud-africaine juive, Candice Breitz, à qui on reprochait de ne pas avoir clairement condamné l’attaque du Hamas du 7 octobre 2023. Des remises de prix ont été également annulées. Lors de la cérémonie de clôture du festival du film de Berlin, les déclarations pro-palestiniennes de certains lauréats évoquant un « génocide » commis par l’État hébreu ont été condamnés par de nombreux responsables politiques. Le co-réalisateur d’un documentaire sur un village en Cisjordanie, un juif israélien qui avait évoqué la politique d’apartheid de son pays à l’égard des Palestiniens, a été qualifié d’antisémitisme. 

L’auteur du livre à succès « Unorthodox » devenue une série sur Netflix, Deborah Feldman qui vit à Berlin, a été violemment attaquée pour son nouveau livre « Judenfetisch », c’est-à-dire : la fétichisation de la judéité. Cette petite-fille de survivants de l’Holocauste dénonce le soutien résolu de l’Allemagne pour Israël, jugé comme une façon de se racheter devant l’histoire et de devenir à nouveau respectable après les crimes nazis.

Un appel international baptisé « Strike » a protesté au début de l’année contre ce qui est qualifié dans le texte de « politiques maccarthystes » qui remettraient en cause la liberté artistique. Les signataires, dont la prix Nobel de littérature Annie Ernaux, appellent même à un boycott des institutions culturelles allemandes.

De nouvelles mesures dans le secteur culturel pourraient conduire à une forme de censure

Dans une déclaration, les communes, les régions et l’État fédéral ont annoncé vouloir prendre des mesures pour que des projets culturels qui seraient considérés comme soutenant l’antisémitisme n’obtiennent pas de subventions.

Les milieux artistiques dénoncent une mesure qui pourrait conduire à une censure, surtout si des responsables politiques devaient trancher sur des dossiers. Dans une lettre ouverte, 150 artistes juifs ont récemment dénoncé des mesures de ce type. Ils dénoncent entre autres un risque parmi la population musulmane. Pour ces intellectuels et artistes, l’extrême-droite reste le danger principal en matière d’antisémitisme. 

Ces débats compliqués expliquent également qu’une résolution du Bundestag piétine depuis un an.

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